Le partage passif d'informations
Abréviations utilisées :
- LEPSS = loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé ;
- LQS = loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé.
Introduction
Les dossiers électroniques des patients sont utilisés de plus en plus de manière à permettre à un professionnel de la santé d’accéder aux informations qui sont conservées par un autre professionnel de la santé, et ce en vue d’une prestation de soins de santé. Cette tendance s’accompagne de la question de savoir quelles conditions doivent être remplies pour que cet accès soit possible. Le législateur a apporté une réponse à cette question : la section 12 de la Loi sur la qualité des soins fixe les règles du partage passif d’informations.
Il s’agit donc pour vous de situations où un professionnel de la santé (psychologue clinicien ou un autre professionnel de la santé) [1] accède aux données que vous conservez dans le cadre de la prestation de soins de santé en se connectant au dossier informatisé du patient. Il ne s’agit donc pas de situations où vous recevez la demande « active » de partager des données avec un autre professionnel de la santé (collègue psychologue clinicien ou autre professionnel de la santé) (comme c’est le cas du partage d’informations pour poursuivre ou compléter le diagnostic ou le traitement (voir art. 19 LQS)). Par ailleurs, le partage passif d’informations se distingue des règles relatives au secret professionnel partagé décrites à l’article 14 du code de déontologie.
Veuillez noter que ce dossier s’adresse aux psychologues cliniciens. Pour un aperçu plus général du contenu de la Loi sur la qualité des soins, cliquez ici. |
Contenu
- Quelles conditions doivent être remplies pour qu’un autre professionnel de la santé puisse accéder aux données de santé du patient ?
- Que signifie précisément la condition du consentement éclairé préalable du patient ?
- Est-il obligatoire de prévoir un mécanisme permettant au patient de vérifier qui a accès ou a eu accès à ses données de santé ?
Quelles conditions doivent être remplies pour qu'un autre professionnel de la santé puisse accéder aux données de santé du patient ?
En résumé, cinq conditions cumulatives doivent être remplies pour qu’un autre professionnel de la santé puisse accéder aux données de santé du patient, en vue de la prestation de soins de santé :
- le consentement éclairé préalable du patient (art. 36, alinéa 1er, LQS) ;
- une relation thérapeutique avec le patient (art. 37, alinéa 1er, LQS) ;
- la finalité de l’accès consiste à dispenser des soins de santé (art. 38, 1° LQS) ;
- l’accès est nécessaire à la continuité et à la qualité des soins de santé dispensés (art. 38, 2° LQS) ;
- l’accès se limite aux données utiles et pertinentes dans le cadre de la prestation des soins de santé (art. 38, 3° LQS).
Que signifie précisément la condition du consentement éclairé préalable du patient ?
Le patient (ou son représentant légal) doit toujours donner son consentement et donc donner un droit d’accès.
Le patient peut donner un consentement global qui couvre tous les professionnels de la santé de l’institution de soins ou de la pratique qui assurent le traitement du patient. Le patient peut également opter pour un consentement limité ou diversifié, ce qui signifie que le patient consent au partage de ses données de santé avec certains professionnels de la santé tout en excluant l’accès à un ou plusieurs professionnels de la santé. Cette exclusion a pour conséquence que ce(s) professionnel(s) de la santé n’a/ont pas accès aux données de santé, même dans le cas où il(s) aurai(en)t une relation thérapeutique avec le patient. Le patient peut également moduler l’exclusion. Il peut donc exclure l’accès à une ou plusieurs parties de son dossier à un professionnel de la santé particulier comme, par exemple, dans le contexte hospitalier, la partie relative aux soins psychologiques. Le patient n’est pas tenu de justifier une telle exclusion. Néanmoins, les exigences du patient doivent être compatibles avec des soins de santé de qualité. Si la demande du patient risque de nuire à la qualité des soins de santé, le patient peut être redirigé vers un autre département ou service, voire vers une autre institution de santé. Le patient a également toujours la possibilité de retirer son consentement.
En général, nous estimons que la transparence est le mot clé de la question du consentement. C’est la seule façon de garantir et maintenir la relation de confiance que vous entretenez avec votre patient, ce qui est nécessaire pour que vous puissiez offrir des soins psychologiques de qualité. Ainsi, il est important que le patient soit correctement informé de la portée d’un consentement global. Il convient donc d’expliquer clairement au patient ce que peut signifier concrètement un consentement global. Il en va de même pour un consentement limité ou diversifié, ainsi que pour une exclusion modulée. Vous pouvez le mentionner dans le dossier informatisé du patient, que ce dernier peut consulter, afin qu’il soit toujours clair pour vous et pour le patient qui peut accéder à quelles données de santé.
Il est en outre important que vous engagiez le dialogue avec votre patient. Vous pouvez souligner l’importance du partage d’informations en vue d’offrir des soins de qualité, vous assurer que le patient comprend la portée de son consentement – y compris à long terme – et vérifier s’il souhaite éventuellement retirer, limiter/diversifier ou moduler son consentement. Dans le cas où une personne est traitée pour un burnout et a accepté de partager ses données de santé (pour autant que les autres conditions susmentionnées soient remplies) et que cette personne vous raconte, quelques mois plus tard, qu’elle a été victime d’abus sexuels, il sera judicieux d’engager le dialogue avec votre patient, par exemple, et de décider ensemble si les données relatives à l’abus sexuel peuvent être ajoutées au dossier à un endroit où d’autres professionnels de la santé peuvent y accéder (bien entendu, dans la mesure où toutes les autres conditions susmentionnées sont remplies), ou si le consentement ne s’applique plus à ces données de santé.
Nous savons que la plupart des hôpitaux, des centres de santé mentale, des cabinets indépendants... travaillent avec des formulaires de consentement éclairé, qui utiliseront un consentement global qui – du fait de l’utilisation de formulaires de consentement éclairé – est donné par écrit. Dans ce contexte, nous tenons à rappeler qu’il est important que le patient comprenne ce qu’il signe, et qu’il donne donc un consentement éclairé. Ces formulaires doivent également prévoir la possibilité d’un consentement limité ou diversifié, ainsi que de moduler l’exclusion. Le consentement doit également pouvoir être retiré à tout moment.
Au cas où un patient ne consentirait pas au droit d’accès ou qu’il retirerait ultérieurement son consentement, les informations doivent être conservées dans une partie séparée du dossier informatisé du patient, à laquelle d’autres professionnels de la santé ne peuvent pas accéder. Vous trouverez de plus amples informations sur le dossier patient informatisé ici. Il n’en reste pas moins que ces informations peuvent être partagées en vertu d’un autre fondement juridique si les conditions à ce sujet sont remplies. Nous pensons ici, par exemple, à un éventuel partage de données dans le cadre de la poursuite d’un traitement chez un autre professionnel de la santé (art. 19 LQS) , ou dans le cadre des conditions du secret professionnel partagé décrites à l’article 14 du code de déontologie.
Des clarifications/précisions supplémentaires pourraient être apportées par arrêté royal (en particulier sur la base de l’art. 36, 3e alinéa et art. 37, 3e alinéa, LQS). Nous nous attendons à ce que cela se produise effectivement. La Commission des Psychologues a donc rendu proactivement un avis déontologique au ministre de la Santé publique.
Est-il obligatoire de prévoir un mécanisme permettant au patient de vérifier qui a accès ou a eu accès à ses données de santé ?
Les mesures nécessaires doivent être prises afin que le patient puisse vérifier à tout moment qui a ou a eu accès à ses données de santé (art. 40 LQS). Vous pouvez déjà répondre partiellement à cette obligation en mentionnant le consentement du patient dans son dossier (par exemple, consentement global ou consentement limité/diversifié ou exclusion modulée). En effet, une telle mention dans le dossier patient informatisé permet au patient et à vous-même de savoir à tout moment qui peut avoir accès à quelles données de santé. En outre, un système d’enregistrement/mécanisme de contrôle doit être prévu (dans la pratique, c’est le fournisseur de logiciels qui doit prévoir un tel système d’enregistrement dans ses progiciels). Si vous travaillez en tant que psychologue clinicien dans une institution de soins de santé, vous devrez collaborer avec celle-ci pour mettre en place un tel mécanisme de contrôle [2].
Références
[1] Le professionnel des soins de santé au sens de la loi sur la qualité des soins comprend le praticien disposant d'un titre LEPSS (y compris le psychologue clinicien) et le praticien d'une pratique non conventionnelle, tel que visé par la loi du 29 avril 1999 relative aux pratiques non conventionnelles dans les domaines de l'art médical, de l'art pharmaceutique, de la kinésithérapie, de l'art infirmier et des professions paramédicales (voir art. 2, 2° LQS). La loi du 29 avril 1999 considère les pratiques suivantes comme non conventionnelles : homéopathie, ostéopathie, acupuncture et chiropraxie.
[2] T. VANSWEEVELT et N. BROECKX, “Het patiëntendossier en de toegang tot en doorstroming van gezondheidsgegevens tussen gezondheidszorgbeoefenaars in het raam van de Kwaliteitswet” dans T. VANSWEEVELT e.a. (éds.), De Kwaliteitswet, Anvers, Intersentia, 2020, 155.